
Bonnard
Je vais
au pays des louves
elles
avec dedans le ventre recousu
les sept chevreaux têtes cabossées
pas un sorti vivant
de là-dedans
Elles
assemblées autour de moi
pendant que je lis
je me demande
si ce n’est pas trop long
si je ne les ennuie pas
avec mes lignes de mots
trouées qui ne crachent pas le morceau
l’une a dit continue de lire avec ta voix douce
c’est comme quand on me racontait des histoires
le soir
l’autre
ça nous manque les histoires
le soir
Les louves écoutent comme les enfants
sans la question de comprendre
têtes penchées presque
et peut être on ne sait pas
l’une sur la mer scintillante
bouée autour du ventre léger
se laisse porter
Elles disent à celle qui repasse les robes
plie les sous-vêtements
merci
tu le fais bien
après on pose la pile de linge sur l’étagère
sans la froisser
Elles sont
épaule contre épaule
L’une
n’a jamais tenu entre pouce et majeur
l’aiguille à coudre
s’entête toute la nuit
le lendemain me tend le papier
ils verront que j’écris moi aussi
avec toutes les précautions et
du fil bleu
elle berce
son petit chevreau tombé
L’autre
reste joue appuyée contre
la mer gris ardoise
regarde les petites robes jaunes
avancer sur le tapis roulant
donnerait tout l’or du monde
pour les acheter encore
et la joie de la petite
c’est plié en quatre le souvenir
gardé
L’une a traversé la steppe
flancs rouges
louve aux doigts de fée
ne relève la tête que pour couper le fil
L’autre encore
soulève la jupe noire de sa mère
être cachée dans le deuil
même pour rire
Nos mains mélangées recousent les pattes tordues
des chevreaux
on ne retrouve pas les yeux
tu sais
Il y a ce qu’on a fait
et ce qu’on est
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.